This is not a love song
Marianna s'intéressait vraiment à la musique dorénavant. Certes , elle avait passé beaucoup de temps en studio à traîner là , à apprendre comment on construit un disque. Tous ses ex étaient plus ou moins dans le Business et elle avait vu se faire des dizaines de prods. Elle avait pris en mains tous les plannings et se révélait une vraie femme d'affaire et surtout faisait de gros efforts pour se sentir à l'aise sur scène. Car les galas n'étaient pas gagnés d'avance. Comme nous n'avions pas de vrais fans , mais devions nous contenter d'aller porter la bonne parole aux discothèques de province, le public n'était pas toujours délicieux. Le rituel était toujours le même. Nous arrivions par avion ou directement en voiture. Le propriétaire nous accueillait en nous montrant le "bijou"(sic) qu'était sa boite et nous confiait aux mains expertes du DJ qui se faisait prendre en photos près des vedettes et qui mettait notre bande en PBO. Le Play Back Ouvert permettait de garder une certaine dignité au groupe car nous chantions en "live" à chaque concert au grand étonnement du disquaire qui nous disait toujours: -"l'autre jour on a fait passer Boney M et ils ne chantent pas en rai" et s'en suivait une longue liste d'artistes qui préféraient le Play Back complet. Dans l'absolu , ils avaient bien raison car le public s'en foutait royalement de savoir si le groupe était en live ou non , une fois de plus , ils venaient voir en chair et en os , les vedettes du top 50. Souvent nous partions en sueur et le public aussi car nous faisions tout pour mettre le feu et laisser malgré tout un bon souvenir. Et puis nous étions grassement payés pour faire nos chansons et c'était cela le plus important. Mais des fois , les gens en face ne comprenaient pas du tout pourquoi nous étions là et pas Boney M. Il nous fallait quand même faire notre set de Six chansons, dans une ambiance presque glaciale. Nous faisions le single des le premier titre, cela leur permettait de faire savoir qui nous étions. Venaient ensuite quatre autres chansons que personne ne connaissait , dont tout le monde se foutait et nous revenions au single , mais en version longue , histoire d'être sur que quelques personnes aillent l'acheter. Nous travaillions en coordination avec WEA et le producteur commençait à se détacher du bébé car il avait beaucoup à faire. Il produisait aussi un autre groupe qui venait de rentrer en radio et nous laissait la bride sur le cou. Marianna coordonnait tous les plannings, voyait pour les tarifs de galas et réservait des trains et commençait à travailler avec moi les prochains titres car il devenait urgent de l'imposer aux yeux du public qui , en général , regarde plutôt le chanteur. Au début elle se promenait en promo avec un Juno 60 qui pesait un poids terrible et nous avions aussi le pied pour le poser. Comme je jouais un peu de guitare , je fis semblant , à la place d'Eric , d'exécuter les parties qui avaient été si difficiles à mettre en place. De plus , il nous fallait mettre au point une "chorégraphie" pour les télés . La plupart du temps , nous nous étions aperçus que les réalisateurs rataient le moment ou Marianna chantait ou faisaient quelque chose sur le titre. Il nous fallait donc etre inséparables aux endroits où elle existait sur la bande et , sur chaque plateau télé, à ces moments là , je me rapprochai d'elle pour etre sur qu'on ne raterait rien de ce qu'elle chantait ,à savoir les refrains avec moi et une phrase : "pourquoi dis tu toutes ces choses là ?" . Il fallut monter un argumentaire pour expliquer son rôle. Décision fut prise de tenir toujours le meme discours en radio , à la presse et à toutes les personnes qui posaient des questions. Sur les autres chansons , elle chanterait des couplets entiers, mais pas de bol , sur celle qui passait partout elle était, et pour cause , quasi absente. Ce pas de bol permettait de mettre un peu de suspens sur la suite des opérations, assurer que , oui , le prochain single serait différent mais pas trop, que les titres étaient prets , que l'album allait suivre, que nous avions des projets de concerts mais qu'il était trop tot pour l'instant.. Les questions étaient toujours les memes et il fallait passer par un séance photo à chaque fois , pour l'exclu du journal. Que ce soit France soir ,Elle ou un magasine dit de presse jeune , il fallait se fader la séance photo. J'étais pas super à l'aise au début mais devint un vrai pro des attitudes et du comportement en face des caméras. Entre la première télé sur la défunte TV6 et les dernières à 20 H 30 avec INTERVIEW ,la différence est fulgurante. J'ai regardé cela dernièrement pour revoir des trucs pour les écrire ici et on voit vraiment que la différence est énorme. Du débile ,qui annone des réponses ,des premières apparitions cathodiques aux ultimes réparties du tac au tac de la fin , il y a un monde et ce monde n'était rien d'autre que deux années de désillusions et de travail . Car c'était un travail énorme que d'etre une vedette. Autant Marianna que moi, nous commencions à détester de plus en plus partir à tous prix (elle est faite exprès) en galas et nous avions envie de nous recentrer sur notre activité , la musique. Après un séjour en amoureux à Venise ou la visite des Palais fut un calvaire de petits écoliers français qui hurlaient en nous voyant, il était temps de rentrer en studio pour faire les démos de la suite. On avait pas mal de chansons et un premier tri fut effectué sur les titres à maquetter. Cinq furent conservées et l'une d'entre elle servit de face B au single suivant. La qualité des maquettes était bonne car nous avions tout le matériel que nous désirions à présent. Dominique, le producteur, m'avait confié tous ses jouets et je pouvais triturer les boutons à ma guise. Nous pensions à l'album qui devait naturellement suivre ce deuxième single voir accompagner la sortie du troisième. On le voyait comme un album avec des chansons simples et d'autres plus ambitieuses sur lesquels nous voulions des violons , des vrais , des guitares à la Killing koke et des tas de choses assez éloignées du Top 50. Les démos reflétèrent bien ce virage et laissèrent dubitatifs tout le monde sauf le producteur qui en avait repéré deux en disant: -"on arrangera ça en studio" , ce qui voulait dire : "On a des tubes mais les versions des maquettes ne sont pas assez commerciales". En fait , nous savions qu'il allait falloir faire un paquet de concessions mais , de toutes façons , c'était désormais impossible faire autrement. Le téléphone sonnait sans arret pour nous proposer des galas mais nous voulions du "Live" et étions bien décidés à monter un groupe. Des auditions , des séances de studio pendant des semaines entières à essayer de trouver "le" guitariste. Yarrol, guitariste de Niagara puis de F.F.F et qui avait quinze ans alors, figura parmi les guitaristes testés et il me regarde souvent à Pigalle quand je le croise. Je ne sais pas s'il se souvient de ces séances ou sa mère venait le chercher et ou lui se cherchait encore ou s'il se demande ou il m'a vu . Là encore, nous primes un requin talentueux qui s'appelait Patrice Tison et qui fit parfaitement ce que nous lui avons demandé .il manquait néanmoins le jeu d'un vrai guitariste qui aurait amené son âme sur les titres. Il fut impossible de trouver un grateux que nous aurions incorporé dans le groupe. Tous voyaient en nous une vache à lait ou un tremplin pour leur carrière mais aucun n'eut une vraie envie de s'intégrer. Patrice faisait de tout , et connaissait son matos sur le bout des doigts. On lui faisait écouter un truc et il reproduisait fidèlement ou non , le son du guitariste qui servait d'exemple. C'était le plus sur moyen de lui faire comprendre ce que nous voulions en lui amenant des jeux dont nous étions fans. Il ne connaissait aucune de nos références mais se faisait un malin plaisir après avoir écouté un truc , d'aller prendre la guitare qui correspondait ainsi que l'ampli qu'il fallait pour avoir le son. Les ersatz étaient tres convaincants et tout fut gardé ou presque pour les versions définitives Le live était loin mais les chansons avaient progressées du tout au tout par rapport à l'idée de base et étaient dignes de ce que nous voulions réellement. Les expérimentations les plus bizarres furent faites sur des magnétos à bandes à l'envers et doublés. En fait, seules les rythmiques furent refaites réellement lors des prises définitives avec le Prod. Nous avions découvert la Synchro qui permet de faire tourner ensemble un ordinateur et un magnéto et en abusions avec délice pour mettre des couches de sons sur la bande. Ce fut un temps de travail acharné mais de bonheur rare car pour la première fois , nous faisions selon notre volonté et cela avançait sous de très bonnes augures. Parmi les titres figurait en bonne place une reprise du '"Fade to grey" de visage en hommage à Steve Strange que connaissait Marianna du temps ou , avant moi , elle fréquentais Siouxie et sa bande. C'était cool car nous savions que , si nous refaisions des galas , les gens connaîtraient une chanson de plus et la version serait parfaite sur le maxi qui allait être envoyé , à n'en pas douter, aux clubs pour la promo du nouveau titre.